Archive for the 'L’Histoire en roman' Category

02
Nov
12

14

ImageRoman de Jean Echenoz aux éditions de Minuit.2012

Un titre court comme le roman, une écriture précise et rapide, en quelques pages admirables, Jean Echenoz brosse le portrait d’une femme et quelques hommes emportés par la tourmente de la guerre de 1914. Encore un roman sur cette guerre ? Tout n’a-t-il pas été dit ? Comment écrire encore sur cette période et capter l’attention des lecteurs ? Echenoz a réussi brillamment en nous livrant un roman qui se lit très vite et nous plonge pourtant dans le souffle percutant d’une période de l’histoire où les hommes – et les femmes – ont vécu des chose incroyables. On peut avoir lu « A l’ouest rien de nouveau » d’E. Maria Remarques, « le Feu » de Barbusse, « C’était la guerre des tranchées « de Tardi, avoir visionné « Les Sentiers de la gloire » de Kubrick et pourtant trouver encore un éclairage de plus sur cette guerre qui a marqué l’histoire de l’Europe.

Des premières charges aux sons de la musique en pantalon rouge et képis bleus à la pesante promiscuité du cloaque des tranchées, par un choix de mots judicieux, l’auteur rend l’atmosphère de ces épreuves terribles à travers le parcours singulier de quelques personnages. Une page choisie d’Echenoz , celle d’un bombardement, et l’on est pénétré tout entier de l’incroyable violence de cette guerre devenue encore plus mortelle avec le progrès et générant des blessures effroyables à un rythme industriel. Peu de pages et pourtant on s’attache à ces personnages, on traverse comme eux la guerre et l’on reste comme abasourdi à la dernière page lue. Et la vie continue…

26
Août
12

Je marchais malgré moi dans les pas du diable

Roman de Dorothée Piatek aux éditions Petit à Petit. 2007

Roman de Dorothée Piatek aux éditions Petit à Petit. 2007.
Voici un roman que j’ai retrouvé au CDI en plusieurs exemplaires et qui n’est pas sorti depuis longtemps. C’est une bonne surprise, le sujet et surtout la narration choisie par D. Piatek se prêtent particulièrement bien à ce récit de vie qui fait revivre les heures sombres des Alsaciens pris dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Celui qui nous raconte son histoire s’appelait François Cellier en 1939,  en même temps que lui, on revit  le bel été de 1939 qui va brutalement cesser avec les menaces qui pesaient sur les territoires proches de la frontière allemande. Conformément au plan prévu par les autorités françaises, l’ordre d’évacuation arrive dans les premiers jours de septembre et la famille de François est contrainte de tout abandonner pour rejoindre les trains qui vont les emmener vers des départements très éloignés. Pour les Celliers, ce sera la Dordogne. Avec le jeune adolescent de 15 ans, on découvre au quotidien cette période appelée « Drôle de guerre » qui fut une épreuve difficile pour ces populations déplacées.  Mais le pire est à venir, avec l’invasion allemande de mai 1940, les Alsaciens sont enjoints à retourner chez eux. Tous n’acceptent pas, mais le père de François qui a laissé sa boulangerie revient à Strasbourg avec sa famille. Le piège vient de se refermer : l’Alsace est sous la domination nazie à présent et les habitants sommés de se germaniser. Progressivement, l’embrigadement des jeunes Alsaciens les pousse à s’enrôler dans l’armée allemande. Les « malgré-nous » vont terriblement souffrir de cette situation et c’est tout l’intérêt de ce roman de raconter cette page trop méconnue de l’histoire de la guerre 1939-1945.

01
Nov
09

Le chevalier au loup

Roman de Viviane Moore aux éditions Thierry Magnier, 2009.

 

chevalierauloupEn cet hiver de l’an 1198, Padrig Le Jaquez, fameux guide de Compostelle prend en charge un nouveau groupe de pèlerins. Il doit les conduire jusqu’à St Jacques de Compostelle depuis la Bretagne, un voyage éprouvant et dangereux de plus de 6 mois. Armel, son fils l’accompagne pour la 1re fois dans cette périlleux épreuve. Il doit connaître le chemin pour succéder à son père : un apprentissage difficile et angoissant pour le jeune Breton qui ignore s’il sera à la hauteur.

Le groupe de pèlerins se révèle difficile à mener, il y a des personnages qui n’inspirent pas confiance à Padrig, mais Armel ne s’en émeut guère, les yeux de la belle Morgan lui donne du courage et l’envie de se surpasser. il en sera bien obligé puisque son père est assassiné et qu’il doit désormais prendre la tête du groupe; or les pillards et les bandits hantent les chemins, une horde de loups répand la terreur et la mort rôde autour des pèlerins. Aidé par le chevalier au loup qui rejoint le groupe, Armel va devoir surmonter bien des épreuves et s’affirmer comme guide de Compostelle et quand en plus s’y mêle un chasse au trésor, les journées du jeune hommes seront mouvementées !

Un bon roman qui découragera peut être les lecteurs les moins aguerris. En effet, la multiplication des personnages, la complexité des liens entre eux, les nombreux détails sur les alliances entre seigneurs de Bretagne et l’intrigue elle-même font du « Chevalier au loup » un livre qui peut être assez difficile d’accès. Par contre, on se sent embarqués dans ce Moyen âge rugueux dès les premières pages et l’on glisse nos pas dans ceux des pèlerins, glacés par la morsure du froid de cet hiver interminable et angoissés à chaque nouvelle épreuve qui se présente. En fait, le pèlerinage sert de prétexte à la mise en place d’une intrigue quasi policière dans laquelle Armel prend une place prépondérante.

Surprenant ce choix de titre parce que le chevalier Alan de Lesneven  s’il est bien présent dans le roman joue un rôle moins capital qu’Armel qui est le personnage véritable fil conducteur du roman.

Un beau récit, bien écrit qui plus est, qui nous en apprend plus sur ces incroyables pèlerinages qui exigeaient bien du courage  et une foi inébranlable pour les accomplir.

 

31
Juil
08

L’enfant de Guernica

Roman de Guy JIMENES aux éditions Oskar publié en avril 2007.

Isaura est une jeune étudiante en archéologie. Préoccupée comme beaucoup d’espagnols de sa génération par le silence entourant la Guerre civile qui a si fortement marquée l’histoire de son pays , elle se décide à participer à un chantier d’exhumation de corps de suppliciés fusillés par les franquistes. Si Isaura est aussi motivée pour comprendre ce passé, c’est qu’elle ignore tout de celui de son père. Qui était-il pendant la Guerre civile ? Comment a-t-il vécu les heures sombres du franquisme ? En exhortant son père à parler, c’est tout une histoire intimement mêlée aux événements à jamais fixés par Picasso dans son tableau Guernica qui vont se révéler.

Deux histoires successives dans ce roman, celle d’Emilio, jeune paysan présent sur le marché de Guernica avec sa famille le jour funeste du bombardement d’avril 1936 puis celle d’Isaura, qui cherche à exhumer le passé de son père dont elle ne sait rien. Un fil rouge tout au long de l’histoire : le célèbre tableau de Picasso, son élaboration et sa réception par le public et les protagonistes dont on sent qu’ils y sont intimement liés.

L’idée est excellente de bâtir une histoire autour du Guernica de Picasso à la fois pour en donner une lecture et en découvrir la genèse puis pour illustrer toute la complexité du la Guerre civile espagnole et les traumatisme qu’elle a provoqué dans les familles. Néanmoins, si la trame romanesque tient la route, j’ai été assez peu séduit par l’écriture. Cela manque de souffle et si ce n’était l’histoire en elle-même, je trouve que le romancier peine à « embarquer » le lecteur. La faute peut-être à des dialogues parfois un peu plat, à des personnages finalement assez peu « charnels ». A ce titre, je trouve la première partie assez frustrante. En tant que lecteur, on n’est pas à Guernica ce funeste jour d’avril, on ne ressent pas tout l’effroi du bombardement alors que les mots sont là, les personnages aussi ainsi que la progression dramatique mais il manque ce je ne sais quoi qui fait basculer la lecture : une question de style certainement !

22
Déc
07

Suite française

suite.jpgRoman d’Irène Némirovsky aux éditions Gallimard (collection Folio) . 2004

Bien sûr il y a la petite histoire autour de ce roman (ces romans) conservé(s) pendant des années par la fille d’ Irène Némirovsky et qui ne sera exhumé que tardivement pour connaître le succès littéraire qu’on sait, couronné du prix Renaudot. Mais plus que tout c’est la qualité littéraire du texte lui-même qui emporte le lecteur dans la débacle de juin 40 puis dans les âmes incertaines des villageois d’un coin de France occupé par le vainqueur allemand.

Deux parties donc pour ou deux romans joints qui gagnent peu à peu le lecteur, le ferrent et ne le lâchent plus jusqu’à la fin. Dans « Tempête en juin », Irène Némirovsky nous jette sur les routes de France au milieu de la cohorte de réfugiés qui tentent d’échapper à l’assaut brutal de l’armée allemande. Que l’on soit bourgeois ou prolétaire, c’est la peur et l’instinct de survie qui règne en maître mais les uns plus que les autres savent s’adapter aux situations d’exception. Triste tableau que ces « nobles » privés de leurs domestiques qui sont désemparés quand on n’est plus à leur service et quand l’argent (le maître étalon de leur vie jusqu’ici sans anicroche) ne parvient plus à les maintenir à flot. Des portraits au vitriol, une plongée impudique dans les âmes sombres d’un peuple aux abois : le récit tient en haleine et laisse remonter au gré des pages tournées, des effluves nauséabondes que l’histoire revisitée de la libération a bien gommé. On reste pantois devant tant de cynisme, tant de veulerie…on se dit qu’on aurait pas voulu y être parmi ces réfugiés et on se prend à se demander : comment nous serions-nous comportés ? La force du roman, c’est aussi d’interroger le lecteur de notre époque sur la capacité des hommes à revenir rapidement à la bestialité voire la monstruosité dans des période de grande incertitude, quand tout repère est effacé, quand les pires instincts ressurgissent pour survivre.

La seconde partie (Dolce), nous donne à voir l’occupation proprement dite des armées allemandes dans un petit village de France. Une pléiade de personnages -allemand et français- donne chair à ce récit qui, parfaitement maîtrisé, fait ressentir au lecteur toutes les ambiguïté de ce temps de l’occupation. Dans ce village de France occupée, les vainqueurs sont d’abord craints et redoutés mais ils ne laissent pas insensibles non plus avec leur jeunesse resplendissante dans leurs stricts uniformes. Ils sont vainqueurs et ils en imposent à ce peuple de vaincus qui les observe craintivement derrière les persiennes entrouvertes en ce chaud été 1940. Après les périls de juin, c’est presque un soulagement de voir les choses reprendre leur place et chacun s’accommode plus ou moins de la présence de ces hôtes imposés. L’auteur excelle à nous faire pénétrer dans les pensées des hommes et des femmes de l’époque en en révélant les réflexes de classe, en insistants sur leurs contradictions et leurs atermoiements magistralement rendus par les dialogues. Là encore, rien n’est simple et l’on ne peut porter de jugement sur l’un ou l’autre des personnages qui endossent les différents visages de français qui commencent (ou non) à s’habituer à vivre sous le joug de l’occupant. Certains sont intransigeant et résistent tant bien que mal (on songe à la nouvelle de Vercors), d’autres acceptent le nouvel ordre et l’on devine qu’il basculeront bientôt dans la collaboration, d’autres encore, découvrent dans l’ennemi, l’homme qui lui aussi éprouve des passions, des sentiments.

La troublante relation qui se noue entre l’officier allemand, Von Falk et Lucille Angellier met le doigt sur l’ambiguïté de ces situations où, au-delà des uniformes, des conventions et des haines, des esprits et des coeurs se rencontrent. En cet été 40, la répression n’était pas encore ominprésente mais l’on sent son emprise grandissante. Le récit d’Irène Némirovsky nous fait bien sentir que l’inéluctable est au bout de ces mots couchés sur le papier, cette histoire française à laquelle elle ne pourra mettre le mot fin.

26
Sep
07

Une exécution ordinaire

9782070776528.gifRoman de Marc Dugain aux éditions Gallimard. 2007

Un sous-marin nucléaire russe s’abîme dans la mer de Barents au cours de manoeuvres militaires, il s’appelle l’Oskar et des survivants auraient été entendu dans le compartiment arrière. On peut encore les sauver mais le temps est compté : quelle décision prendra le nouveau président de Russie Plotov ?

Evidemment, derrière l’Oskar il faut entendre le koursk et sous le nom de plotov, celui de Poutine. M. Dugain avec talent reprend la dramatique histoire de ce sous-marin nucléaire russe et son malheureux équipage qui défrayèrent la chronique en août 2000. Ce n’est pas le seul intérêt du roman. L’astucieuse construction du récit n’amène que progressivement l’histoire du sous-marin. Dugain nous ramène d’abord aux temps sombres du Stalinisme et ce détours n’est pas inutile même s’il peut surprendre le lecteur. Avec cette entrée narrative décalée, l’auteur donne chair à un contexte bien particulier et donne à comprendre la mentalité russe engoncée dans les exigences et travers d’un régime totalitaire. C’est par ce retour en arrière que les actes de chacun s’expliquent et que l’on a le sentiment d’être embarqués comme les sous-mariniers dans cette oppressante navigation dont l’issue sera fatale.

28
Avr
07

Le hussard

518vckwnd3l_aa240_.jpgRoman de Arturo Perez-Reverte aux éditions du Seuil. 2005

Le décors est planté, nous sommes en 1808, les troupes impériales françaises peinent à remettre de l’ordre dans une Espagne farouche qui lutte pour rester indépendante. Deux officiers du 4ème régiment de hussards, qui rêvent de gloire et de faits d’armes, ne comprennent pas que les espagnols refusent d’adhérer aux idées de la Révolution française qu’ils viennent propager dans le sillage de leurs chevauchées guerrières au nom de l’Empereur. Pour Frédéric Glüntz et Michel de Bourmont, le peuple espagnol est sous le joug de la monarchie et de l’Eglise, leur combat est légitime puisqu’ils viennent les libérer de cette oppression. Décontenancés par la résistance des soldats espagnols et plus encore par la « guerrilla » contraires aux principes de guerre qu’ils vénèrent, les deux officiers hussards découvrent l’horreur de la guerre et l’inanité de leurs aspirations face à la détermination d’un peuple fier dans une lutte sans merci.

Un roman qui se lit d’une traite, on est happé par le récit et littéralement entraîné dans une folle chevauchée dramatique aux côtés des hussards du 4ème régiment. Rien n’est épargné au lecteur depuis les préparatifs de la bataille jusqu’aux charges meurtrières. Peu à peu la superbe des officiers se patine à l’épreuve du feu, l’honneur et les rêves de gloire deviennent vite dérisoires dans cet affrontement hors norme avec un ennemi qui lutte corps et âme pour sa terre. Une passionnante découverte de l’élite de l’armée impériale : les hussards, une dramatique histoire où de jeunes hommes épris de gloire perdent leurs idéaux dans la boue et le sang du champs de bataille.




juin 2024
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