Roman de Yasmina Khadra. Pocket 2006
A Kafr Karam, petit village en Irak, la guerre déclenchée par l’entrée des troupes américaines en 2003 reste confinées aux images télévisées commentées par les Anciens ou les jeunes au minable bar du coin. Chacun s’exprime selon son statut, il faut respecter les traditions et les coutumes dans ce village où l’on est d’abord Bédouin abavnt dêtre irakien. Mais la guerre ne peut rester éternellement aux portes du village, et le narrateur, effacé et emprunté au début de cette histoire, nous raconte comment il a été rattrappé par son invraisemblable violence. Ce ne sera plus dès lors qu’une lente et angoissante descente aux Enfers : Bagdad.
Encore un roman d’une rare puissance par l’auteur des Hirondelles de Kaboul ou de L’attentat. Cette fois-ci – mais comment aurait-il pu en être autrement ? – Y. Khadra nous précipite dans la violence aveugle de la guerre en Irak. Il a choisi le point de vue d’un simple Bédouin profané par une humiliation que l’occidental moyen peinera à comprendre. D’ailleurs, nombre de codes, de conduites dans cet orient méconnu échappent au lecteur occidental, le roman n’en est que plus captivant. Mais surtout, ce que raconte le roman, c’est l’implacable mécanisme engendré par la guerre, la peur, l’offense qui une fois lancé, entraîne les hommes dans les pires exactions et jusqu’à l’anéantissement de soi et des autres quels qu’ils soient. Plus de codes, plus de règles, la guerre abolit tout, la haine prend le pas sur la sagesse, le fanatisme se repaît des humiliations subies. C’est effrayant de brutalité, ce sont les images de cette guerre d’Irak entrevues à la TV qui prennent sens. Ces chairs suppliciées, explosées, les mots de Khadra leur donnent des noms, des visages. Après avoir lu les sirènes de Bagdad, on ne sort pas indemne du récit et leurs longues plaintes résonnent encore longtemps en nous, la dernière page tournée. Mais on peut aussi comprendre autrement ce titre, et voir en Bagdad un chaudron infernal où viennent se perdre tout ceux que le chant des sirènes de la mort et de la haine appellent. Une fois encore, c’est le processus mortifère qui conduit au geste terroriste ultime qui est décrypté par Y. Khadra. L’homme est d’une immense et effrayante fragilité, il est capable du pire, mais parfois la lumière rejaillit : lisez ce roman pour en être encore persuadé.