Archive pour mars 2007

17
Mar
07

Intelligence building

9782081613324.gifRoman de Michel Honaker aux éditions Flammarion (Tribal)

C’est une réedition d’un très bon roman de SF qui se dévore tant le suspens est haletant. Imaginez un building hors norme de plus de 40 km de hauteur où les derniers étages sont occupés par les firmes les plus puissantes de la planète, des étages-villes d’où l’on ne redescend qu’après un périple de plusieurs jours dans les ascenseurs. Guerny, le personnage principal, n’est qu’un obscur fonctionnaire de la McIntyre Corporation, un institut de sondage située au 99e étage. Depuis longtemps, plus rien ne le motive à redescendre sur Terre jusqu’à ce que d’étranges phénomènes n’apparaissent dans les structutres du bâtiment : le béton semble se liquéfier.

Guerny, parce qu’il parle japonais et qu’il a bien connu la fille du président de la société japonaise du 98e étage est envoyé en mission pour comprendre les étranges manifestations affectant le béton lunaire : c’est le début d’une haletante épopée dans les structures du building, au milieu des poutres et des machineries d’ascenseurs. L’univers imaginé par Honaker est d’emblée crédible, rien ne vient faire décrocher le lecteur du récit ponctué de rebondissements et l’on tourne les pages fièvreusement pour découvrir le mystère de l’Intelligence Building. Je ne dirais rien de la fin, mais ce court roman – même si l’on n’est pas féru de SF – devrait séduire bon nombre de lecteurs prêts à vivre une expérience angoissante dans la tour infernale…

17
Mar
07

Plus un mots

konigsburgmot.jpgRoman de E.L. Konigsburg aux éditions Bayard Jeunesse (Millézime)

Quand Branwell perd l’usage de la parole après que sa petite soeur soit tombée dans le coma, son meilleur ami Connor pressent que la vérité est trop douloureuse à dire. Tout semble accuser Branwell, il est un suspect idéal, mais Connor croit fermement en lui et va tout mettre en oeuvre pour communiquer avec son ami et démêler cette sombre histoire.

Un très bon roman qui tient en haleine le lecteur. L’auteur sait bien rendre le poids du silence à travers l’intrigue, ce silence qui plus que les personnages humains est le vrai moteur du récit. Des personnages crédibles, un enchaînement bien maîtrisé des événements, on se laisse aisément embarquer dans cette histoire, avides d’en connaître le dénouement. Sans être un roman policier, « Plus un mot » sait instiller le doute et convie le lecteur à accompagner Connor dans ses enquêtes. Les adolescents devaient se retrouver dans les émotions éprouvées par les deux principaux protagonistes.

08
Mar
07

Treizième avenir

joanniez13avenir.jpgRoman de Sébastien Joanniez aux éditions Sarbacane (Exprim’).

Deuxième roman de cette collection très particulière des éditions Sarbacane que j’ai entre les mains. Dans une réaction à chaud, je dirais abruptement que je n’aime pas ce type d’écriture oralisée où justement, si l’on ne passe pas par la mise en voix, le texte reste vide et sans intérêt. S’agit-il de surfer sur la vague slam et de se mettre au goût du jour ou bien est-ce une forme d’écriture qui va se développer et gagner ses lettres de noblesse dans la littérature ? Je l’ignore, mais en ce qui me concerne, ce « style » ne me séduit pas. j’aime lire pour le plaisir de goûter les mots assemblés qui font sens et déclenchent le plaisir parce qu’il y a une sonorité alors même que la lecture est en soi, silencieuse. Et pourtant, j’entend une voix à travers le style d’un écrivain, je goûte ses mots et la façon de les lier entre-eux, je me délecte de cette musique particulière. Oui, je reconnais qu’en allant sur le site des éditions Sarbacane pour écouter (et voir) des extraits du roman, il y a une sonorité, un phrasé qui prend naissance, mais il faut en passer par là pour l’apprécier ! Est-ce de la littérature ? D’accord, le sujet convient bien à ce type de démarche puisqu’il s’agit de cheminer dans les pensées d’un ado préoccupé par la découverte de la sexualité. C’est vrai que si l’on veut retranscrire le flot des pensées qui se culbutent dans une tête en ébullition à cause de l’obsession des seins de sa petite amie, le ton est là, c’est plutôt bien vu, mais est-ce ce que l’on attend d’un texte littéraire ? Je ne le crois pas, cette façon d’exploiter la veine des journaux intimes ou des discours blogolisés ne me semble pas tirer vers le haut la littérature jeunesse. Le vocabulaire est très relâché, c’est un langage très actuel et dans l’air du temps, et je le reconnais, en phase avec le sujet, mais n’est pas Romain Gary qui veut et encore moins Céline et je ne trouves pas le roman à la hauteur du choix d’écriture. Pour ce qui est du contenu, je trouve décevant le récit de la « première fois » qui laisse bien peu de place à l’amour et aux sentiments. De ce qu’a ressenti Justine, on ne sait rien, on reste avec le souvenir principal de cette première expérience pour le personnage masculin, la fameuse « explosion ». Voilà qui est bien réducteur et propice à perpétuer l’égoïsme du plaisir masculin (primaire) qui ne se soucie guère de sa partenaire. Pour un roman adressé aux jeunes, j’aurais aimé un message plus valorisant de l’acte d’amour comme l’aboutissement d’une rencontre amoureuse où la découverte de l’autre va vers l’épanouissement de deux sexualités.

Découvrez le forum des éditions Sarbacane et de la collection Exprim’ et faites-moi partager vos impressions sur ce roman.

08
Mar
07

Contours du jour qui vient

225920396501_aa240_sclzzzzzzz_.jpgRoman de Léonora Miano aux éditions Plon.

Ce roman a été primé par les lycéens en 2006 pour le Goncourt. En soi, c’est une référence puisque lu par des centaines d’élèves de seconde, il a été choisi au détriment d’autres romans de la sélection : cela nous éclaire sur les goûts des lycéens et la réception d’oeuvres de ce genre. Première surprise, quand on annonce partout la pauvreté des lectures de jeunes, ce roman est d’une très belle écriture mais pas si accessible que cela ! Beaucoup de vocabulaire, des phrases très bien construites mais qui demandent une attention soutenue dans la lecture pour ne pas « décrocher ». l’Afrique brossée par L. Miano est sombre, inquiétante, pleine d’obscurantisme et pourtant on ne ressort pas abattu du roman, peut-être grâce à l’énergie communicative de Musango, le personnage principal, et à la vigueur de l’écriture de la romancière. Que de trouble pourtant au cours de la lecture, traînés à la suite de Musango dans son errance à cause de ce procés en sorcellerie qu’on dirait d’un autre âge en Occident, nous voilà happés par le récit, bousculés dans nos représentations de l’Afrique, mais en même temps convancus, une fois la dernière ligne achevée, que ce continent peut se relever et affronter l’avenir avec espoir. Assurément un très beau roman, qui peut s’avérer éprouvant pour certains parce que le récit est dur dans ce qu’il évoque sur la nature humaine, parce que ce que vit Musango et ceux qu’elle rencontre est souvent insoutenable, mais il se dégage néanmoins de ce récit beaucoup de poésie voire de beauté grâce au talent de Léonora Miano.

08
Mar
07

Les chaussons par la fenêtre

bour2.jpgRoman d’Elisabeth Bourgois aux éditions du Triomphe.

Un sujet délicat – l’IVG- qui demande beaucoup de talent pour l’aborder dans un roman destiné aux jeunes et suffisamment d’indépendance d’esprit pour ne pas « enfermer » les lecteurs et leur permettre d’exercer leur sens critique. Mais avant de parler du fond, voyons la forme. Le premier contact avec le roman est mitigé tant l’illustration est négligée. Un graphisme mièvre et enfantin, un titre peu accrocheur et très énigmatique, une première approche qui ne donne pas envie de se plonger dans le roman. Au bout de plusieurs paragraphes, on sait que l’on ne tient pas dans les mains un roman qui va nous séduire par la qualité de l’écriture. Le style est pesant, la succession de phrases sans rythme, l’écriture n’est pas un souci pour l’auteur qui reste concentrée sur le message a faire passer. Ce roman est un roman à thèse, il affiche clairement son argument principal : dénoncer l’IVG comme un crime qu’il faut refuser absolument. Tout est dès lors mis en oeuvre pour présenter l’IVG comme un acte criminel perpétré par des médecins qui ne devraient pas porter ce nom : « je ne suis pas bourreau mais médecin » dit Pierre, qui refuse de pratiquer des IVG en travaillant dans un servce de gynécologie. D’ailleurs E. Bourgois par l’intermédédiaire de ses personnages -trop caricaturaux à mon sens – va plus loin encore, faisant dire au même Pierre lors d’une discussion sur l’avortement : « le génocide des enfants mal formés est identique au grand génocide d’Hitler »(p.90). Comment employer une telle comparaison ? J’ai été heurté par cette phrase même si comme Justine , le personnage engagée dans la discussion, je dois témoigner moi aussi pour l’auteur « d’une réaction tellement banale basée sur des impressions primaires »(p.90). Voilà d’ailleurs la tactique de la romancière, dévaloriser les réactions et émotions des « opposants » à son opinion : « il fallait remettre le circuit en route »(p.34) fait-elle dire à Carole qui vient de subir une IVG. Je dis bien subir parce que je n’imagine pas qu’il soit de pur confort de pratiquer une telle opération pour une femme contraitrement à ce que laisserait entendre de tels propos. Mais pour E. Bourgois, il s’agit toujours de « femmes sans foi ni lois (p.117). La femme et sa place dans la société ont droit à un long développement par le truchement du personnage de Bon-Papa, ancien avocat, homme plein de sagesse et au seuil de sa vie dont l’opinion compte énormément dans le roman. On trouve donc de nombreuses lignes sur la dénonciation de cette société et d’un complot qui vise à faire disparaître la civilisation occidentale en « accouchant » de lois délétères qui pervertissent le rôle de la femme dans sa fonction de mère et de ciment social : « toutes ces lois pour protéger la femme, c’est faux » (p. 158). Pierre récapitule la pensée du sage : « Bon-Papa nous a démontré tout simplement, que nous étions des pantins manipulés par ceux qui voulaient mettre leur emprise sur notre société en valorisant la puissance de l’homme sur toute la création, en détruisant la cellule naturelle de la famille, par l’intermédiaire de la femme qui refuse les enfants. La société est alors déséquilibrée, car on met au summum de l’univers la puissance matérielle due à la seule intelligence de l’homme ! »(p. 223). Jean Casal légitime par son discours le refus de Pierre de pratiquer les IVG même s’il y est tenu par la Loi républicaine. Le medécin- hors la loi- apparaît alors comme un héros investit d’une mission : remettre dans le droit chemin ces femmes égarées qui s’apprêtent à tuer leur enfant. Le terme d’enfant n’est pas anodin, jamais E. Bourgois ne parle d’embryon ou de foetus, mais d’enfant pour bien marteler l’idée de crime : c’est là tout le discours des associations dites « pro-life ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que si le ton est clair, la stratégie mise en oeuvre est pernicieuse en ce qu’elle ne laisse pas au lecteur de marge de manoeuvre. Les choses sont évidentes pour la romancière, soit l’on pense comme elle, soit on est dans l’erreur et plutôt que d’amener à la réflexion les jeunes sur ce difficile sujet qui demande de s’informer beaucoup et de revisiter l’histoire de l’élaboration de la loi sur l’IVG, le roman élude ces questions et affirme une vérité. Ce roman , on l’a compris, me dérange en ce qu’il risque de donner à penser comme…, plutôt que d’inviter à s’interroger sur… Encore une fois, les personnages sont caricaturaux, les situations aussi (que dire du happy end de la naissance de l’enfant né avec une malformation cardiaque !), le discours est moralisateur au possible et culpabilisant. Certaines idées sont très contestables et risquent d’être prises pour argent comptant par des jeunes à l’esprit malléable. Je m’interroge sur la portée d’une phrase comme  » s’il y a autant d’homosexuels, c’est que la femme fait peur à certains hommes » dit Pierre, l’homosexualité résulterait donc d’un choix et l’être, c’est mettre en péril la société. On comprend que ce qui se dessine c’est l’image du Mal dès que les relations sexuelles ne sont pas strictement envisagées pour la procréation. L’acte d’amour est d’ailleur « diabolisé » dans l’épisode de la rencontre entre Nicolas et Laura. Cette dernière apparaissant comme la tentatrice, celle par qui la faute est commise. La façon dont cette rencontre est racontée par E. Bourgois est tellement caricaturale qu’elle décrédibilise au final le discours. Trop d’ingrédients pour finir qui me poussent à estimer ce livre inadapté pour le prescrire à des jeunes. Ce roman dénonce une volonté de manipulation, mais le « on » ne désigne évidemment personne. Je décèle par contre, dans cette écriture, une tentative de manipulation des esprits or ce n’est pas ce que l’on est en droit d’attendre d’un roman pour les jeunes.




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